Au fil de l'autre

Carnet de notes de mes explorations: filage, tissage et teintures
  

Mes motivations, le contexte

La teinture naturelle telle que je la connais à ce jour est grande consommatrice d’eau (pour le prélavage, pour le mordançage puis pour le bain de teinture, dix litres pour un bout de chiffon !) et peu écologique (on rejette dans la nature des produits agressifs ; on chauffe beaucoup). Je crois me rappeller qu'en industrie et artisanat on compte 150 à 200 litres d'eau par kilo teint (on arrive vite à un kilo...).

La pollution engendrée est minime si je la compare à l’usine de chlore voisine, mais c'est pas une raison.

Contrairement à d'autres teinturières "naturelles", je n'ai pas de souci avec l'alun ni les autres mordants; j'ai un souci avec les doses et l’état de l'eau qu'on consomme et qu'on rejette. 

Dans mon optique de hobbyiste, contexte "teinture minimale" sur le mode de la "cuisine minimale" que j'ai exposée dans mes livres de cuisine saine, il faut aussi que l'organisation soit souple, on teint quand on le sent, sans grandes préparations.

Et que ça ne coûte pas un pont. Si l'on achète des matières tinctoriales, on compte de 1 à 2,5 € de matières pour cent grammes de tissu à teindre (selon densité de couleur, selon fibres, etc.). Zéro si on glane (enfin, un tout tout petit peu pour l'alun le cas échéant).

Il faut tout de même envisager le prix de la chauffe et de l'eau.

Main d'oeuvre et espace réservé dans l'atelier: on n'est pas dans le cas de figure des artisans, on est ici plutôt en hobby ou en travail d'artiste, où l'on ne compte ni ses heures ni son espace.


J’ai voulu commencer la teinture végétale en 2008 après un stage avec l'exquise Valentine Donck. Je m’y suis remise en 2012 puis à nouveau cet été 2014, en recherche d'idées pour des solutions à cette problématique: gaspillage/prix qui m'avait freinée. Quelle cohérence y aurait-il à tanner la famille pour qu’ils contrôlent leur utilisation d’eau et à jeter tout ça moi-même ?

Quels gaspillages m’avaient freinée ? L’alibi d’un travail artistique ne me suffit pas pour me permettre le grand n’importe quoi écologique.

La technique classique consiste à (en italique les doses pour 500g de tissu, 5 tee shirts)

Comme c’est laborieux ! En imaginant que je veux teindre 500g de tissu et de fils pour la reliure ou des tableaux, on pourrait négocier sur ce qui suit.

Décatir - ma solution écologique. Soit utiliser des tissus de récup', déjà bien lavés mille et une fois. Défaut: taches possibles.

Soit je ferai simplement tremper , sans machine, sans chauffe, au soleil veranda ou sur un radiateur (en Belgique : de début octobre à fin avril…) - durée : deux jours pour évaluer (encore à tester)

Pas de chauffe, mais il faudra tout de même 15l d’eau et rinçage

Mordancer - Ma solution écologique: acétaalunage à la Michel Garcia. Ou, pour les laines et les soies, fermentations/macérations acides, qui ne demandent pas de mordançage (mais à tester encore).

Eau. En acétatalunage, le litrage ne dépend pas du métrage de tissu. Il ne faut pas rincer après l'alunage, mais bien sécher à coeur, puis tremper dans un bain de neutralisant (le même pour tous les tissus -> une casserole de 10 litres). Se fait à froid. On ne consomme de l'électricité que si on est pressé et qu'on veut sécher (sèche cheveux ou séchoir ménager).

Temps. Gourmand en temps, puisqu'il faut sécher à coeur et, mieux encore, laisser sécher de longues semaines.

Elec. Pas de chauffe nécessaire pour cet acétatalunage.

La chauffe systématique chez les teinturiers est soit un souvenir de production intensive soit un truc moderne pressé.

Je trouve confirmation chez Sandrine du forum de Tricofolk, tenturière émérite : « Sinon pour ce qui est du mordançage, j'ai commencé à faire des tests de mordançage à froid, et ce fut concluant : je met la dose de mordant, ma fibre, et je laisse tremper 2 jours. Je ne jette pas mon eau de mordançage, je m'en ressers pour la fois suivante. Autrement, la plupart du temps je ne fais plus chauffer mon bain de teinture très longtemps, voir pas du tout pour la gaude et la garance, et je chauffe fort mais pas longtemps pour le noyer et autres teintures taniques, mais par contre je laisse longtemps dans le bain. En fait chauffer ne fait, la plupart du temps, qu'accélérer le processus, à part peut-être pour la cochenille qui a vraiment besoin de haute température pour prendre (mais pas 1 h de cuisson, par contre). »

Extraction colorant - ma solution écologique. Si je ne macère/fermente pas, je réduirai le temps d'extraction:

a/ en extrayant d'abord le jus à l'extracteur (j’ai un appareil qui fait du jus de tout végétal, assez impressionnant, j’en profiterai) et en le chauffant à peine, je suppose que la longue chauffe sert à extraire les principes

b/ en amorçant la chauffe à 90°C dix minutes, puis en enveloppant comme une marmite norvégienne, et en laissant macérer quelques jours 

c/ en fabriquant un four solaire en carton   pour magnifier la teinture solaire

Teinture classique - ma solution écologique.

Teindre pendant qu'on extrait le colorant (en gardant la fibre dans un bas nylon ou un vieux rideau, pour éviter de devoir retirer les brins de feuilles après).

Ou teinture solaire (et variante hiver: sur le poêle à bois).

Ou aussi marmite norvégienne.

Solution écologique au dernier bain de savon. Je rince rapidement sous l'eau les tissus teints (pas "longtemps, jusqu'à ce que l'eau soit claire"), parfois tous les tissus d'une même journée dans le même grand seau.

Quand j'ai assez de fibres teintes, je les mets dans une casserole de 20 litres, remplie d'eau savonneuse (marseille). Je les laisse à chaud 15 minutes, tous ensemble. Pas de transferts de couleur jusqu'ici.

 Ai-je oublié quelque chose?  En tout cas, j'essaierai de trouver une solution pour ne pas arriver à la (triste) conclusion d'une teinturière pourtant orienté naturel, voir Marie des Soies