Au fil de l'autre

Carnet de notes de mes explorations: filage, tissage et teintures
  

Bogues de noyer américain/nigra

2.11 A la suite d'une discussion sur le forum tricofolk avec Isabelle, sur les différences de ton entre l'Arèche et la Belgique, j'ai eu envie de retester la teinture aux bogues de noyer. Cela tombe bien, les bogues m'attendent à terre pour l'instant, en automne. Un beau brun à base de noyer, combiné à un bain d'indigo, donnerait un quasi noir sans mordant sur laine et soie! J'ai réuni quelques jolies photos d'inspiration hier. Je commence les tests.

Depuis quelques années, j'ai déjà procédé à quelques tests sur des bogues de noyer commun (juglans regia). Normal: une teinture locale, et sans mordant, c'est tentant! Que je récolte les bogues en juin, à la date de leur teneur en colorant maximale selon Elisabeth Dumont (chimiste - abréviation ED), ou en septembre/octobre, que je teigne en frais ou avec du brou de noix (acheté chez Couleur Garance) j'obtiens toujours une couleur sable/chamois, à peine oeil de fauve. Avec modifieurs ou pas, à 100 ou 200% PTS (parfois plus quand je trempe un brin de laine dans un jeune bain).



tout à gauche: les couleurs obtenues en monobain acide à base de brou de noix en 2014. Mes notes télégraphiques: 100gr de brou de noix (CG, sec), dans eau vinaigrée -> pH 4.5 + tanins de galle + nouet avec ruban laine NM et coton AA et bout étamine NM; chauffé 70°C; 10 min; arrêt; 12h à couvert.

Or, je vois du marron dans les essais des Américaines dont j'ai les livres. Et si cette différence de ton provenait du type d'arbre?

Je viens de trouver des noyers d'Amérique (juglans nigra) près de chez moi. J'ai récolté quelques bogues tombées, encore bien vertes (dès qu'elles noircissent ou sèchent, elles perdent considérablement en colorants). J'ai relu mes notes et retrouvé un billet de 2016 de Catherine Ellis, où elle affiche ses résultats de teinture (voir billet précédent).

J'ai déjà testé le noyer commun en bouillon classique, en marmite norvégienne, en monobain acide à la Michel Garcia et en macération alcaline à froid. Je refais la série pour le noyer d'amérique. Nos aïeux laissaient fermenter les bogues un an dans des barriques. Je ne ferai pas. Jenny Dean (JD) a testé le mordançage à la feuille de rhubarbe. Ferai pas non plus, on ne peut pas tout faire!

Idéalement, selon les derniers livres de JD et d'ED, il faut ajouter les feuilles de l'arbre ou des noix de galle, pour ajouter des tanins. Toujours selon elle, le bain acide donnerait des couleurs plus profondes, plus lumineuses. Le bain alcalin: un ton plus rosé, une couleur moins intense. Le bain de fer densifie la couleur.

Au sortir du bain, ne pas se fier au ton, car le colorant s'oxydera à l'air et brunira, écrivent-elles.

Bouillon classique - toutes fibres

Je commence ici par le bouillon classique, à 70-80°C : les bogues cuisent pendant 3 h, j'ajoute la laine, la soie et le coton dans une poche, je continue à cuire 1 h. Je laisse refroidir dans le bain, toute la nuit. Selon Ellis, il FAUT cuire 4h et laisser la nuit pour obtenir un ton bien foncé. Je confirme.

Solution 2: cuire les bogues pendant 4h, filtrer le jus, y teindre les fibres. Les noix américains sont géantes, elles prennent une place maximale dans mes casseroles de 10l. Difficiles à décortiquer, en plus. J'utiliserai la solution 2 désormais.

Bain nr 2: les bogues sont denses, elles n'ont pas encore tout donné, j'en extrais le jus une deuxième fois.

J'ai suivi la recette d'Ellis pour un premier test, mais je ne continuerai pas à une telle température, car je lis dans le Cardon et dans le Dumont, deux sources fiables, que la teinture de noyer fonctionne à froid.

Laines et soies peuvent être non mordancées mais auront un ton plus soutenu selon ED si elles sont mordancées. La famille coton gagne vraiment à être mordancée pour cette teinture.

J'ai testé sur soie et laine non mordancée et les mêmes mordancées (dans le bain nr 2, plus léger).

Je teste aussi avec un post-bain alcalin, acide, de fer, de cuivre.

Résultats

La laine est d'un beau brun mordoré, on dirait de l'or, me dit la famille! La soie encore plus.

Bain nr 2. Le coton non mordancé est brun clair, et devient gris lumineux avec un post bain de fer (1h à froid). Le post bain de fer sur laine a donné un beau marron.

Macération alcaline - laine et soie

Je passe ensuite au test de la macération basique à froid à la JD, qui me permet d'économiser l'énergie (et le temps de surveillance!). J'ai versé une vingtaine de bogues dans un seau avec de l'eau, j'ai alcalinisé jusqu'à un pH 10. Je rectifierai au cours des jours suivants, car le bain s'acidifie naturellement: il faut un pH de 9 +-. Après 24h, j'ajouterai un écheveau. Prévoir un très, très grand seau vu la place que prennent ces bogues.

Au jour 2, un des avantages est que le bogue sont décomposées. Munie de gants solides, il m'est très facile de retirer les noix. Elles ne servent à rien pour la teinture. J'en profite pour bien écraser le magma de bogues. Les laines mises à froid n'ont pris qu'un ton vaguement chaud, sable après 24h. Après 72h: le brun attendu, qui tourne au marron avec un trempage en bain de fer d'une heure (froid).

Test 2: je filtrerai le jus, je le chaufferai à peine (60°C) et j'y cuirai l'écheveau pendant 30 minutes avant de l'emballer comme une marmite norvégienne.

Précaution oratoire habituelle: les macérations alcalines sont pratiquées par Jenny Dean, Sandrine ou moi-même, mais je n'ai pas connaissance de tests officiels sur l'efficacité de la teinture. Mes essais depuis 2015 semblent avoir résisté à la lumière et au lavage, mais primo peu d'UVs en Belgique et secundo, je ne lave que très peu mes écharpes et mes pulls, car ils sont en laine vierge 100%. Je les aère simplement.

NB. Catherine Ellis garde les bogues vertes au congélo. En petit coeur d'écolo, je préfère les garder dans leur seau de macération alcaline. Je l'ai déjà fait pour les peaux de grenade ou les noyaux d'avocat: colorant inchangé en 2 ans de conservation dans un seau, au jardin.

Monobain acide à la Michel Garcia - laine

Attention, ceci n'est pas la recette exacte de Michel Garcia (MG). Je le cite comme auteur, mais je l'ai adaptée. Rendez-vous dans ses DVDs ou lors de ses stages pour une recette avérée par un pro. Je consigne mes essais, c'est tout à fait personnel. En mode économie de temps et de chauffe, j'acidifie de l'eau bouillante (de distribution), à l'aide de vinaigre ou d'acide citrique (jusqu'à un pH de 4). J'ajoute, selon ce que j'ai sous la main, des noix de galle à hauteur de 10% du volume à teindre ou un bon paquet d'infusettes de thé noir de récup' (qui remplacent la noix de galle). J'ajoute la laine non mordancée. Je donne un coup de chaud jusqu'à 70°C puis j'éteins et je couvre. J'emballe en marmite norvégienne. Je sors le lendemain soir.

Selon un courriel reçu hier de la part du maestro, en réponse à ma question: " Voici mon classement, des couleurs les plus saturées aux couleurs les moins saturées: brou  + tannin et acide citrique en monobain >brou sur laine mordancée à l'alun >brou sur laine non mordancée"



Sur soie, laine bouillon et laine au fer

Teindre en extrait: le plus rapide

Vous êtes hors saison de récolte? Vous n'avez pas le temps de collecter les bogues? Vous n'avez pas de jardin pour garder une cuve de longs mois? C'est la teinture qui vous intéresse et pas le processus?

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