complément au premier billet sur le lavage
J'ai acheté des toisons brutes chez Pascaline, du forum des Filandières: Entre Sambre Meuse, weynsleydale et angora de son élevage près de Rochefort. L'angora et l'alpaga n'ont pas de lanoline, pas besoin de laver. Entre Sambre meuse et weynsleydale: je dois les laver, je voudrais une technique moins gourmande en eau que la première que j'ai testée.
Une autre technique existe, pour un premier lavage des toisons de moutons, après avoir trié les déchets qui s'y trouvent: la fermentation naturelle.
Résumé de la technique hors fermentation. Je remplis une gérante casserole d'eau très chaude +- 60°C, dans laquelle j'ai dilué 1/2 cuiller à soupe de cristaux de soude et un peu de flocons de savon de marseille (ou en liquide) - ou du son de blé enfermé dans un bas nylon, c'est bourré de phosphates. La toison doit pouvoir être à l'aise dans la casserole. Si on condense trop la matière, les saletés détachées par la chaleur iront se redéposer sur les fibres voisines. J'y ajoute la toison. Ne pas la remuer outre mesure, la tourner délicatement, on sait pourquoi si on s'occupe un peu de laine. La laisser jusqu'à ce que la température atteigne 40 à 50°C. Pendant ce temps, je refais chauffer 10 litres d'eau dans la casserole nr 2. Après ½ heure, j'extrais la toison en la sortant des deux mains, je la déverse dans la casserole nr 2, je jette l'eau du premier bain.
Pourquoi 40-50°C ? Selon Ulrike, c'est la température à laquelle la lanoline se redéposera sur la fibre… Ne pas laisser tremper trop longtemps, sinon les saletés se redéposent. Après ces premiers lavages, Ulrike conseille de terminer par un lavage similaire, mais avec du détergent.
En bonne écolo, je cherche comment produire un fil de laine à partir de la toison brute sans gaspiller des centaines de litres d'eau.
Lorsqu'on lave une toison brute, après l'avoir débarrassée des débris végétaux et des petites cochonneries, on utilise parfois 4 bacs d'eau: 1 pour le trempage initial (éliminer le suint, la poussière), 2 pour des lavages au savon (parfois 3), 1 pour le rinçage. Pour un kilo de laine, cela fait 40 litres d'eau, disons. Au plus bas mot!
On peut s'économiser le trempage initial en laissant tout simplement la toison dehors, se laver à l'aide de la pluie. Les Anciens lavaient les moutons dans la rivière juste avant la tonte, si j'en crois les exquises reconstitutions historiques avec Ruth Goodman à la BBC:
Si je teins ensuite, on repart dans l'aquaphilie: 10 litres pour mordancer, 10 litres pour rincer, 10 litres pour colorer, 10 litres pour rincer. Rebelote 40 litres! Toujours au bas mot, car d'autres teinturiers utiliseraient bien plus que 10 litres, si j'en juge par les vidéos que j'ai pu visionner.
NB Dans les faits, chez moi, j'utilise moins d'eau pour teindre car primo je ne rince pas après le mordançage de la laine (je l'essore grossièrement avant de la tremper dans le bain de teinture) et secundo je ne jette pas le bain de mordançage. Je le garde d'écheveau en écheveau, je le renourris de mordant à chaque utilisation.
Je n'exagère donc pas quand, dans la première phrase, je mentionne une "centaine" de litres d'eau.
Jusqu'ici j'ai testé quelques solution pour la teinture, comme la macération acide ou alcaline (ce qui évite l'étape du mordant). Ou la teinture avec mordant simultané (voir le billet sur le sujet). Il me reste à trouver une technique peu gourmande en eau pour laver les toisons.
Les blogs américains nous ont fait découvrir la technique de "lavage par fermentation au suint", dont Judith MacKenzie, dans son article "On Washing Fleece" (Spin-Off, automne 2008), fait remonter l'origine à l'Australie, où cette technique est largement utilisée. Résumé de la technique de fermentation en été et quand j'ai le temps. On laisse tremper les toisons ou les morceaux de toison dans des seaux pleins d'eau de pluie. On les laisse 24h. On les sors, on remplace l'eau qu'on jette au jardin, on recouvre d'eau de pluie et on laisse 7 jours.
Pour une explication détaillée en français, voir le fil " Lavage de toison par fermentation" sur le forum tricofolk
ou lire chez Diane The Spinning Shepherd: Sheep to Sweater Sunday n̊ 2 "Washing Your Fleece" (mai 2009) + "Quelques précisions sur ma façon de faire” - très détaillé, précis et bien informé.
Il s'agit de laisser la toison sale dehors, en cuve d'eau de pluie, par temps chaud. Dans ces conditions, le suint (riche en phosphates) et la graisse naturelle (la cire qu'on appelle lanoline) feront un savon naturel à condition que les proportions soient justes (pas trop de lanoline). En quelques jours la toison est propre.
On garde le jus de fois en fois. Selon la phrase amusante de MacKenzie: il doit devenir assez dense pour qu'on n'ait plus envie d'y nager, et pas aussi dense qu'on puisse y passer la charrue.